Je marche sur l'arête de la Main de Dieu dans le Queyras
Vie intérieure

5 bonnes raisons de débuter l’alpinisme

La randonnée, c’est votre passion. Marcher en pleine nature, fixer vos pas sur le sentier, laisser vos muscles chauffer et votre conscience se perdre au hasard des cimes, n’écouter que votre souffle et celui du vent dans les branches, surprendre ici un vol de chocard ou un groupe de chamois : c’est là, là-haut, que vous vous sentez vivant·e. 

Sentir le sac peser sur les épaules mais persévérer et se sentir léger·e, pas après pas, parce que dépouillé·e des contingences d’en-bas. S’asseoir sur une pierre et contempler le vaste paysage qui s’ouvre à vous et dont la ligne de fuite semble n’être freinée que par la crête ciselée d’une lointaine chaine de montagnes, sortir un casse-croûte et respirer. L’air pur et le silence. 

Il y a pourtant des hauteurs qui vous tracassent, celles qui ont des lignes un peu plus escarpées, et qui se dressent, comme des dents de géants, au milieu des massifs. Celles-ci vous font de l’œil, mais vous paraissent inaccessibles.

Vous lever à 3 heures du matin et découvrir le ciel tout étoilé sur le seuil du refuge, progresser sur les arêtes avec des compagnons de cordée, planter vos piolets, vos crampons dans les pentes de neige pour atteindre un sommet, vous en rêvez. Mais le monde de l’alpinisme vous semble inaccessible…

Débuter l’alpinisme, ce n’est pas partir à l’assaut des montagnes, c’est partir à la rencontre avec soi. Voici la liste des 5 bonnes raisons de vous y mettre.

1 – Se dépasser

Je suis débutante en alpinisme. J’ai toujours aimé randonner, surtout parce que j’adore les paysages de montagne où s’étalent majestueuses forêts, alpages en fleurs et lacs turquoises, mais, bien que je pratique régulièrement l’escalade, ce n’est qu’il y a quelques années que j’ai chaussé mes premiers crampons. 

Sentier de randonnée dans la vallée de la Lavey
Une chose est sûre : les sentiers de randonnée de fond de vallée sont moins engagés que ceux des sommets – En descendant de la Dibona, mois de septembre.

La raison ? La rencontre avec mon compagnon, féru d’alpinisme depuis toujours, et l’envie de découvrir une autre facette de la montagne. Celle qui vous demande de vous dépasser. 

Loin des sentiers courus de fonds de vallée et de la tarte aux myrtilles dégustée sur les tables en bois d’un refuge, l’alpinisme en appelle à vos capacités mentales et physiques pour progresser sur des terrains complexes et exigeants. 

J'ai ma frontale et mon bonnet sur la tête au lever du jour de cette course d'alpinisme
La frontale, et… les levers de soleil ! Un moment magique à vivre dans une course d’alpinisme – Au-dessus du refuge de la Cougourde, Mercantour, mois de décembre.

L’alpinisme commence souvent là où la végétation, comme l’oxygène, se fait rare. Quand vous entrez dans les territoires des glaciers et les déserts de roches, vous savez que vous êtes en haute-montagne (en tout cas dans les Alpes et plus généralement, en Europe). On considère qu’une course relève de l’alpinisme quand le terrain nécessite l’utilisation de matériel technique spécifique. 

Deux personnes dans leurs duvets sous la tente, en montagne, le cache-col remonté sur le nez
Réveil en montagne sous la tente : c’est sûr que comparé au refuge, ça caille ! Bivouac au lac des Fétoules au mois de juillet (Écrins)

Se lever en pleine nuit, lutter contre le froid et la fatigue, évoluer à des altitudes où il devient crucial de faire preuve d’une extrême concentration à chaque pas que vous faites, c’est une toute autre aventure. 

Faire attention à vous mais aussi penser à votre compagnon de cordée qui vous assure pendant la course, progresser lentement, poser des points d’assurage et en récupérer, grimper, parfois, en alpinisme rocheux. Niveau sensations fortes, on est servi.

Portrait resseré sur mon visage, avec bonnet et doudoune
Le regard empli de la joie du dépassement de soi, pour moi, ça serait celui-ci – Aiguille Dibona, Écrins.

Quand les muscles ne veulent plus, quand chaque pas vous coûte, quand le sommet vous semble inatteignable, c’est à ce moment-là que le mental prend le dessus. Quand par la volonté vous parvenez à dépasser vos limites, c’est là qu’une joie indescriptible vous envahit. 

Débuter l’alpinisme, c’est faire avant tout l’école du dépassement de soi.

2 – Faire preuve d’humilité

Même peu aguerris, et souvent parce qu’ils sont qu’en excellente forme physique, il y a toujours des petits fanfarons pour vous claironner que “ce sommet à 4000, c’est easy-weezy”. 

Eh bien non, en haute montagne, rien n’est acquis. Là-haut, vous n’êtes rien. Rien qu’une pichenette d’humain dans l’immensité d’un massif montagneux qui se dresse devant vous. 

Comme la mer, la montagne est colossale, changeante, violente et souveraine et elle vous apprendra l’humilité par la force. La montagne c’est Dieu qui vous regarde, vous la fourmi, d’un œil goguenard, et qui compte bien vous rappeler à l’ordre de votre condition de mortel.

Une personne arrive au sommet de l'Aiguille Dibona sur fond de ciel bleu
Le sommet de l’Aiguille Dibona, acéré et splendide !

Ne parlait-on pas tout à l’heure de force mentale ? Et Herzog, à l’Annapurna, n’a-t-il pas parcouru les derniers mètres rien qu’à la force de son esprit ?

J’ouvre la polémique, je sais bien, parce que cet exemple de mise en danger d’un compagnon de cordée, ici Louis Lachenal, est précisément la limite à ne pas franchir. Renoncer au sommet et mettre votre égo dans votre poche plutôt que risquer la vie de vos compagnons. L’alpinisme enseigne cela, aussi.

Je suis sur l'arête de l'Aiguille Dibona
En pleine action sur l’arête finale de l’Aiguille Dibona

Lachenal disait : «Le goût du risque est inné et raisonné par la suite. C’est un besoin chez certains hommes. C’est le désir de se perfectionner, de s’élever, d’atteindre l’idéal. Il implique le goût de la responsabilité. Maîtrise de soi et domination de la peur. Valeurs : école de volonté, persévérance, réflexion, discipline, confiance. Le charme du goût du risque, c’est l’incertitude du succès.» 

3 – Revivre les frissons des grands récits d’alpinisme

342 heures dans les grandes jorasses, Prisonnier de l’Annapurna, La mort suspendue, Tragédie à l’Everest, La montagne intérieure, vous avez tout lu des mastodontes de la littérature de montagne. 

Vous voulez vivre votre vie comme une histoire d’ascension écrite par des alpinistes de légende. 

Walter Bonatti, légende de l'alpinisme
Walter Bonatti, légende de l’alpinisme, ici en 1965 (Source : Wikipedia)

Desmaison, Bonatti, Terray, Rebuffat, Lafaille, Berhault, ce sont eux, les “Conquérants de l’inutile”, qui ont nourri vos rêves de gosse, plus encore que les pages du bon vieux Frison Roche. 

Blotti·e avec l’ouvrage écorné entre les mains, vous avez tremblé, vous vous êtes vu·e coincé·e sur cette paroi hostile par -25°C, surpris·e par une tempête à 8000 m ou suspendu·e dans le vide par le dernier point d’un friend rescapé salvateur. 

Gaston Rebuffat en pleine ascension, photo en noir et blanc
Le mythique Gaston Rebuffat (Source : Flickr)

Vous vous êtes toujours dit qu’un jour vous aussi, vous irez là-haut. 

Vous rêvez de sommets mythiques. Pas le Mont Blanc, non, pas même la Meije dans les bonnes vieilles Alpes de France mais carrément l’Alpamayo, le K2, ou le Nanga Parbat. Vous rêvez des plus beaux sommets du monde.

Pour autant, vous le savez, vous allez commencer votre première course bien loin de ces récits de légende. Vous le savez, n’est-ce pas ?

En montagne, le sommet de la Tête de l'Etret
La Tête de l’Etret, vue depuis la Tête des Fétoules, dans les Écrins

Mais qu’importe ! Finalement, le rêve est souvent le premier pas vers une manifestation de la réalité. Donc Go !

4 – Rencontrer un guide de haute-montagne

Il a le visage buriné du soleil des cimes, le sourire franc, les mains énormes et calleuses à force de manier les cordes, il est taiseux, et il vous inspire confiance.

Lui, c’est le guide de haute-montagne (désolée pour le portrait-cliché, j’ai pas pu m’empêcher). Formé à l’impitoyable ENSA de Chamonix, doté d’une condition physique hors du commun, c’est un peu un golgoth, “une machine” comme dirait certains, qui enchaîne les courses glaciaires dans des terrains improbables en très haute altitude comme vous vous avalez le petit circuit de 2 heures de GR tout en bas. 

Homme au sommet d'un pic rocheux sur la Meije
Dans la traversée Meije Orientale-Pavé

Un jour il grimpe 2000 mètres de dénivelé positif dans l’enfer blanc, et le lendemain… il recommence.

Il a au fond des yeux le drame du vécu et l’humilité de ceux qui sont au cœur des vrais exploits, exploits qui, pour un guide, consistent aussi à savoir renoncer par sécurité pour le client. 

Bardé d’expérience et couronné de la plus prestigieuse formation sportive, il — et de plus en plus elle (allez les filles !) — est le guide indispensable de vos premiers pas en alpinisme. 

Femme avec casque en tenue d'alpinisme au sommet du Bec de Canard, vallée de la Lavey
Au sommet du Bec de Canard, Vallon de la Lavey, Écrins au mois de juillet.

Pour des sorties à la journée, un stage d’initiation à l’alpinisme de plusieurs jours ou encore pour découvrir des disciplines comme le ski de randonnée ou la cascade de glace, le guide sera votre interlocuteur privilégié.

Vous l’aurez compris, pour votre première ascension, pas question d’acheter tout votre matériel chez Décath’ et de vous ruer en solitaire sur la face nord de l’Eiger. 

Débuter avec un·e guide est LA chose à faire. Vous aurez le choix entre l’alpinisme en neige ou l’alpinisme rocheux, sachant que si vous n’avez jamais fait d’escalade, l’alpinisme glaciaire sera le plus accessible que le rocher.

Cordée d'alpinisme, photo en noir et blanc de Giacomo Berardi
Source : Unsplash, photo de Giacomo Berardi

Votre guide saura vous orienter sur vos premières courses faciles, s’adaptera à votre niveau technique, et vous apprendra une foule de choses : les notions d’encordement, le chaussage des crampons, le maniement du piolet, les conditions de neige, les manipulations de corde, les rudiments de l’escalade, la descente en rappel, le sauvetage en crevasse, la prudence à chaque instant, et bien plus.

Pour choisir votre guide, il y a les recherches sur Internet, bien sûr, ainsi que les bureaux des guides qui existent dans la plupart des massifs, le plus connu étant sans doute le bureau des guides de Chamonix.

À travers une initiation en toute sécurité, avec écoute et pédagogie, les guides vous conduiront à aimer, appréhender avec respect, et découvrir la haute montagne dont ils ont fait leur vie.

5 – Partager l’aventure humaine

On imagine très bien (surtout à la lecture des récits d’alpinisme sus-nommés), l’alpiniste en loup solitaire, seul à batailler dans la neige pour affronter le sommet imprenable.

Deux alpinistes heureux au sommet de la Cougourde, dans le Mercantour
Heureux au sommet de la Cougourde, dans le Mercantour

Mais l’alpinisme, n’en déplaise aux soloïstes effrénés, est avant tout une histoire de solidarité et de rapports humains. On dit bien “compagnon de cordée”, et l’expression porte déjà en elle tout le poids de l’importance de l’autre dans la pratique.

Confiance, empathie, respect, humanité. Encordés, on est tous le maillon d’une chaîne indispensable à la réussite de l’ascension comme à la survie des participants. Si elle se rompt, il y a danger. Assurer quelqu’un c’est, littéralement, avoir une vie entre ses mains.

Homme de dos avec sac et matériel d'alpinisme, en montagne
Assurer votre compagnon de cordée, c’est avoir une vie entre vos mains

On part ensemble et l’objectif est d’arriver ensemble. D’où mon emphase sur les récits où il faut savoir renoncer, justement, lorsque l’un des compagnons flanche, ou se blesse.

“Bernard, avec ta foulure, là, on te laisse sur la corniche, on fait le sommet et on redescend, OK ? On en a pour 5 petites heures, pas plus”.

Eh ben non. On est partis avec Bernard, on finit avec Bernard. Voire même, on le porte jusqu’en bas histoire qu’il ne finisse pas en glaçon sur les crêtes.

Femme marchant de dos sur la crête de la Main de Dieu dans une course d'alpinisme, dans le Queyras
En montagne, la Main de Dieu (ici dans le Queyras) peut vous porter comme vous éliminer d’une pichenette

Mon fiancé a beau trouver que j’ai des allures de Catherine Destivelle, quand je m’élance avec mon piolet à l’assaut d’un sommet de 2800m, moi je ne suis qu’une novice, une bleue. 

Au-delà des aspects techniques qui m’échappent encore, je n’ai jamais partagé ces courses extrêmes en montagne où l’on brave le danger pour surmonter les difficultés aux côtés de compagnons de cordée. Ces aventures d’alpinisme sur le fil tendu entre la vie et la mort qui vous marquent au fer rouge pour le restant de votre vie. 

Mais qui sait, un jour, et vous aussi, peut-être… Il n’y a qu’un pas : lancez-vous !

Pssst ! Ça vous a plu ? Notez !

/ 5.

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7 commentaires

  • Line

    Très joli article. Je me reconnais pleinement dans ces lignes… partir gonflée, motivée à bloc (non pas pour le K2 mais pour la roche faurio)… et renoncer devant une grosse crevasse avec le trouillomètre à zero 😅. Connaître par coeur la carte et le topo des agneaux, mais faire demi-tour à mi-parcours car il aurait mieux valu passer un peu plus de temps à l’entraînement que le nez dans le topo ! Alpiniste de papier je suis… mais j’espère plus pour trop longtemps 😉

    • Aude

      J’ai envie de te dire que déjà, tu as le mérite de bosser toi-même tes topos, ce qui est un grand pas 😉 En tout cas « alpiniste de papier » est un joli terme et malgré les échecs, ce n’est que partie remise ! Quand on sera bien entraînées, à quand une sortie spéciale filles ? 🤠

  • viret frédéric

    Ton article Aude est une invitation vivante à entrer dans cet espace de la montagne d’altitude. On perçoit combien il s’agit en même temps d’une exploration vers un monde nouveau et d’une plongée intérieure . S’élever et entrer en soi , deux mouvements si complémentaires. Il en nait souvent de petits miracles …. Alors surtout continue à écrire et enchanter le chemin de ceux qui te lisent…. Bravo!

    • Aude

      Merci Fred pour ce joli retour, je le prends avec d’autant plus de joie qu’il vient d’un expert comme toi 🙂 Très juste la notion d’élévation et d’exploration intérieure que tu soulignes… À creuser pour un prochain article (à 4 mains ? 😉)

  • Thierry LEDRU

    Un très bel article, magnifiquement écrit, des émotions que j’ai connues il y a longtemps, quand j’étais « jeune » et que je me lançais dans les parois de l’envers des Aiguilles ou des Écrins. La notion d’humilité est une donnée essentielle effectivement. Elle permet de pouvoir continuer à raconter ce qu’on a vécu…
    «  »…en haute montagne, rien n’est acquis. Là-haut, vous n’êtes rien. Rien qu’une pichenette d’humain dans l’immensité d’un massif montagneux qui se dresse devant vous.  » Oui, c’est ce qui est le plus puissant à mes yeux, cette humilité nécessaire, vitale même et simultanément cette volonté humaine à entrer dans ce territoire et à y chercher ce qu’il y a de plus beau en soi. La connaissance entière de cette « pichenette ».
    Il y a un autre aspect, plus personnel celui-là. J’ai connu des déboires physiques de certaines ampleurs et en aimant les montagnes, j’ai trouvé dans leur aimantation la force de me reconstruire. C’est assurément la source première de la passion : nourrir l’énergie de vie en soi.
    Je sais tout ce que je dois aux montagnes et je les aimerai jusqu’au dernier souffle.

    • Aude

      Thierry, c’est ton message qui est magnifique et il me touche beaucoup. Je suis sûre que la leçon de vie que tu évoques et qui est la tienne en inspirera plus d’un. Je suis aussi heureuse que cet article puisse faire écho et nourrisse des réflexions sincères comme celle que tu nous partages. Merci !

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