Les souks de Marrakech : marchés des mille et une nuits
C’est le petit matin. Je pousse la lourde porte en bois qui abrite le riad où j’ai passé ma première nuit à Marrakech. Je quitte le chant des oiseaux et les effluves de fleur d’oranger de la tranquille terrasse panoramique pour m’immerger dans les artères bruyantes de la médina, et là… c’est le choc.
Désertes et mystérieuses la nuit, en journée, les ruelles de la médina ne sont plus qu’entremêlement de carrioles tirées à dos d’hommes, ânes de bât portant de lourds sacs de provisions, scooters bruyants, touristes déversés par flots des centaines de riads qui quadrillent la ville, vendeurs ambulants et Marrakchis en courses qui s’affairent à pied ou à vélo. Tout le monde se bouscule, crie, hèle.
Le choc ne dure qu’un temps car la médina de Marrakech a une magie qui lui est propre : elle vous transporte dans un autre temps, celui des marchands et artisans des souks millénaires.
Nombre d’itinéraires sont à envisager pour découvrir les souks de Marrakech et aucune carte ne vous en montrera clairement l’accès. Voici un circuit que j’ai réussi à reconstituer sur Google Maps, avec comme point de départ arbitraire la place Jemaa El Fna, celle où tout commence et où tout finit, et qui sera, lors de vos déambulations dans la vieille ville, votre ultime boussole pour retrouver votre chemin en demandant au passant l’itinéraire le plus court pour vous y rendre.
- L’incontournable place Jemaa El Fna
- Plongez dans le tumulte des souks
- Le souk aux épices (souk Attarine)
- Le souk des tapis (souk Zrabi) et le souk des babouches (souk Smata)
- Le souk du cuir (souk Cherratine)
- Le souk des ferblantiers et forgerons (souk Haddadine)
- Le souk des teinturiers (souk Sebbaghine)
- Marchander dans les souks de Marrakech : art ou arnaque ?
Circuit des souks de Marrakech
L’incontournable place Jemaa El Fna
La place Jemaa El Fna est le cœur battant de Marrakech, un site inscrit au patrimoine de l’Unesco où se côtoient charmeurs de serpents, conteurs publics ou montreurs de singes. La place Jemaa El Fna est un peu la cour des miracles, celle où tout est possible, avec une ambiance hors du temps.
Pour autant, difficile de mettre sa conscience dans sa poche en voyant le regard triste des singes enchaînés que les Marrakchis tiennent en laisse et déposent sur les épaules des touristes pour une photo prise au prix de quelques dirhams, et de beaucoup de souffrance.
Prenez de la place Jemaa El Fna l’effervescence, goûtez un tajine (qui sera tout sauf extraordinaire) sur les stands numérotés juste pour le plaisir d’admirer les rabatteurs rivaliser de bons mots et de formules drôles pour convaincre le touriste de choisir son étal (et ce, dans toutes les langues), dégustez un jus de fruits frais fraise-orange-banane (celui que j’ai préféré), et profitez d’un coucher de soleil en sirotant votre thé à la menthe surpricé dans l’une des terrasses des cafés alentours.
Plongez dans le tumulte des souks
Ne vous attardez pas dans les souks autour de la place Jemaa El Fna (notamment ceux au sud), ils sont assez peu authentiques et se contentent de vous proposer des babioles d’importation. Tracez plutôt votre route vers le Nord en remontant le souk Semmarine.
Le souk aux épices (souk Attarine)
Commencez par visiter le souk aux Épices, autour de la place du Marché aux Épices. Cette placette est tout aussi agréable de jour comme de nuit, avec plusieurs petits restaurants authentiques à essayer tout autour.
Allez humer les monticules triangulaires d’épices joliment disposés et imprégnez-vous des parfums de coriandre, gingembre, cumin, paprika, clou de girofle ou safran qui embaument les lieux. N’hésitez pas à ramener des mélanges traditionnels de Ras-el-Hanout pour vos essais de tajines une fois rentré(e) chez vous.
Le souk des tapis (souk Zrabi) et le souk des babouches (souk Smata)
Remontez ensuite le souk Zrabi (souk des tapis). Si comme moi, les tapis berbères vous fascinent, vous n’aurez que l’embarras du choix… Kilims de la région de Marrakech ou d’ailleurs, les choix de tissages, lainages, couleurs sont extraordinaires.
N’hésitez pas à observer le travail des tisserands sur métier qui vous inviteront avec bienveillance, surtout si vous leur laissez quelques dirhams pour la démo. Globalement, ce n’est pas une légende, les vendeurs de tapis sont volubiles et durs en affaires. Patience, diplomatie et longueur de temps seront nécessaires pour négocier un bon prix.
Tout près du souk Zrabi se trouve le souk Smata (souk des babouches). Baby-babouches, babouches brodées, perlées, retroussées : il y en a pour tous les goûts. Vous aurez également droit aux bonnes formules des marchands de babouches qui vous exhorteront à leur acheter leurs incroyables “babouches climatisées”.
Le souk du cuir (souk Cherratine)
Visitez ensuite le souk Cherratine (souk du cuir et des maroquiniers), pour des achats de sacs à main, ceintures, porte-feuille, ou autres objets à base de peaux tannées (si, comme, moi, vous n’avez pas des velléités de véganisme qui vous ont fait arrêter d’acheter du cuir).
Vous pouvez, depuis le quartier du souk Cherratine, bifurquer plein Est pour aller visiter le quartier des Tanneurs, plutôt excentré mais attention ! Âmes sensibles s’abstenir, l’odeur des peaux traitées en cuves (et en décomposition, d’une certaine manière) sur les lieux est presque insoutenable.
Le quartier, moins impressionnant que celui de Fès, est pauvre, plutôt désolé et l’ambiance y est morne, faite de labeur autour du travail des peaux sous un soleil de plomb. La visite guidée par les locaux n’est pas gratuite, plusieurs “guides” vous demanderont jusqu’à 100 dirhams pour visiter ce district.
Le souk des ferblantiers et forgerons (souk Haddadine)
Sinon, continuez pour atteindre le flamboyant souk Haddadine (souk des ferblantiers et des forgerons), où pendent les magnifiques lanternes ciselées (ambiance mille et une nuits garantie).
Ce souk est encore plus beau à la nuit tombée. Bougeoirs, lampes, plateaux, théières, miroirs, photophores, c’est bien la profusion qui donne cette ambiance si magique, dans les lumières d’or reflétées par le laiton et le cuivre.
Le souk des teinturiers (souk Sebbaghine)
Revenez par les souks centraux, avec parmi eux, le souk des apothicaires (où vous croiserez de très nombreuses “herboristeries”), le souk du Henné, le souk des cosmétiques, et terminez votre balade au souk Sebbaghine, le souk des teinturiers, le plus coloré et le plus gai, où vous pourrez acheter un chèche.
Plusieurs terrasses dans le quartier des tisserands se visitent, notamment dans les fondouks (ou caravansérails), ces bâtiments traditionnels à plusieurs étages, construits autour d’une cour centrale où les artisans entreposent leurs marchandises (certains sont d’une architecture de bois sculptée remarquable).
Les marchands vous proposeront de monter moyennant quelques dirhams et admirer une vue sur la ville. Au passage, la visite de l’intérieur d’un fondouk vaut vraiment le détour.
Marchander dans les souks de Marrakech : art ou arnaque ?
Ne vous voilons pas la face, oui, Marrakech n’a pas réputation de “piège à touristes” pour rien, vous y serez souvent harcelé(e) par des artisans un peu trop insistants, des enfants qui vous suivent sans répit pour vous servir de guide, ou des marchands qui vous insultent presque si vous ressortez de leur boutique sans rien acheter, rendant l’expression locale “Plaisir des yeux” tout à fait caduque.
Marrakech porte assez bien son sobriquet d’ »Arnakech » et c’est la vie. Dans les souks, et c’est le cas partout au Maroc, même si vous excellez dans l’art du marchandage, vous allez sans nul doute payer le prix fort pour la plupart des articles, surtout si vous n’avez pas une idée précise des prix réels avant de négocier.
Profitez de cette tradition de négociation pour engager la conversation : ne soyez pas pressé(e). Acceptez le verre de thé à menthe que l’on vous tend et répondez de bonne grâce à la centième question —“Français ? Italiano ? American ? Berbère ?”— que l’on vous pose pour créer une vraie relation avec le vendeur.
Car faire son shopping dans les souks c’est aussi cela : essayer un peu de s’extirper du rapport purement marchand, faire connaissance avec les habitants, qui vous livreront pour certains quelques anecdotes du Maroc que vous n’entendrez nulle part ailleurs.
On conseille souvent de diviser le prix annoncé par trois, voir quatre, et c’est vrai. Autre point, les touristes sont si nombreux que les marchands prennent de moins en moins la peine de négocier un prix bas, quand le touriste d’à côté achètera la marchandise au prix fort, sans rien demander.
Des sollicitations intrusives aux prix rédhibitoires, essayez de garder la tête froide, c’est indispensable pour admirer la ville et se laisser émerveiller malgré tout. Soyez ferme et poli(e), ça passe très bien même pour une femme seule, et vous arriverez à vos fins. Et finalement, dans les souks, perdre en affaires fait aussi partie du dépaysement…
Pssst ! Ça vous a plu ? Notez !
/ 5.
Vous avez aimé cet article ? Partagez-le !