Chefchaouen, ce rêve bleu
Imaginez du bleu. Ou plutôt, des bleus. Partout. Sur les murs, sur le sol des ruelles, sur les fontaines et même sur le tronc des arbres.
Des bleus piscine qui font plisser les yeux, des azurs arrogants, des outremers profonds, des cobalts royaux, des cyans peints à la chaux, cette chaux lisse qui donne aux teintes cet aspect velouté, minéral, lumineux.
Des bleus d’où se dégage une étrange chaleur, une lumière, presque un chant. Vous êtes à Chefchaouen, “la perle bleue du Maroc”, le bleu s’insinue jusque dans votre âme, la lave à grande eau, et vous vous sentez bien.
Sur les contreforts du Rif
“Hé mon frère, tu veux te bronzer la tête ?”
Oui, Chefchaouen est aussi un haut lieu du kif et c’est dommage d’ailleurs que les voyageurs soient un peu trop considérés là-bas dans cette perspective. Que voulez-vous, les montagnes ont des propriétés particulières sur le cannabis local…
Mais vous n’êtes pas venu-e pour ça. Vous êtes à mille lieux de rechercher des expériences d’états modifiés de conscience. Vous êtes venu-e pour le bleu. Le bleu que vous avez aperçu au détour d’un cliché sur le net, ce bleu qui vous hante depuis parce que plus encore que Marrakech et ses souks des mille et une nuits, Chefchaouen respire la magie.
Petite ville perchée sur les contreforts du moyen Altas, à 600m d’altitude dans le massif du Rif occidental, à deux heures environ au sud de Tanger, et près de quatre heures de bus depuis Fès, “Chaouen” se mérite.
Qu’importent les routes en mauvais état, vous plongez dans les paysages montagneux du Maroc du Nord, les défilés d’ocres et de verts, les petites maisons aux toits plats, les champs d’oliviers argentés, les sentiers qui montent en serpentant dans les collines aux chênes-lièges, les gosses qui courent après les chèvres…
Tout d’un coup la ville apparaît, et le voyage commence. Chefchaouen fait partie de ces expériences qui vous hantent tant que vous ne les avez pas vécues.
Dédale de ruelles bleues
Chefchaouen est à elle seule un mythe, une destination rêvée, un petit paradis féérique où se pressent les esthètes en mal de beau, comme les instagrammers en quête de buzz.
À l’arrivée la promesse vue sur les sites de voyage est vite tenue : la médina est somptueuse. Ourlée de bleu jusque dans les moindres recoins de ses ruelles sinueuses, elle déroule ses boutiques de savon, ses échoppes d’artisans, ses étals de pigments aux couleurs vives (dont le célèbre outremer que je vous conseille vivement de rapporter) et ses vendeurs de tapis berbères.
L’artisanat est roi à Chefchaouen. N’hésitez pas à ramener un échantillon du célèbre pigment bleu !
Essayez d’éviter les embouteillages de la rue Hassan Ier. Des groupes entiers y font la queue pour prendre “LA” photo, celle de la ruelle à l’escalier bordé de pots de fleurs colorés, celle que l’on voit partout.
Zigzaguez parmi les instagrammeuses qui prennent la pose en robes longues extravagantes. Tout au plus, attardez-vous dans l’un des petits stands où l’on pressera devant vous un jus de fruits frais à base de mangue, d’orange, d’avocat, ou de banane.
Des portes, des arcades, des escaliers et un dédale de rue bleues rendent la médina de Chefchaouen unique dans tout le Maroc.
Descendez plutôt l’une des artères en pente, qui sont peu fréquentées. Trouvez-y l’occasion de réaliser une prise de vue bien plus unique, à la faveur d’un enfant qui traverse en riant, d’un chat étendu de tout son long sur les marches ou d’une silhouette en djellaba qui s’éloigne, fière et digne.
La place Outa El Hammam, cœur de la médina
Continuez de descendre, approchez-vous. Venez sentir le cœur battant de la médina, la place Outa El Hammam. Elle est oblongue, souvent étrangement vide en son centre, malgré les grappes de touristes qui se massent aux abords sur les terrasses des cafés.
Admirez le magnifique araucaria qui trône en plein milieu, sous fond de Kasbah millénaire aux murs orangés ciselés de grilles bleues. Sur la droite, la Grande Mosquée de Chefchaouen (mosquée El-Masjid El-Aadam) veille sur les fidèles depuis le XVe siècle avec son caractéristique minaret octogonal.
Asseyez-vous sur l’un des bancs, fondez-vous parmi les habitants pour siroter votre thé à la menthe. Ils profitent eux aussi de la quiétude du soir qui tombe, dans cette « perle bleue du Maroc » où les bleus cèdent peu à peu du terrain aux indigos.
La nuit, l’obscurité et les lumières tamisées révèlent tous les mystères de la Ville Bleue…
C’est la fin de journée. Le chant des muezzins monte lentement vers le ciel. Il est 19 h. Résistez à la tentation d’une bière fraîche à l’hôtel Parador un peu plus loin (ses allures occidentales dénotent) montez les marches du restaurant Aladdin et accédez au toit-terrasse.
C’est le meilleur endroit dans la médina pour prendre un cliché de la ville au soir tombant en dégustant un tajine mijoté pour pas cher (il m’est avis que vous ne le regretterez pas).
Ou bien aurez-vous l’énergie de marcher jusqu’à la mosquée espagnole (la mosquée Bouzafar) toute blanche qui surplombe la ville du haut de la colline ? On dit que les couchers de soleil sont encore plus beaux de là-haut.
Randonnées autour de Chefchaouen
Le lendemain, levez-vous tôt pour déguster un petit déjeuner à la marocaine : pain rond, miel, olives, crêpes. Mais ne le prenez pas à l’hôtel. Partez en quête d’un troquet typique qui vous fera sentir le cœur battant de la médina, par exemple, sur la place El Hauta avec sa ravissante fontaine en mosaïque.
Aux abords de la place, se tient le marché traditionnel, où des femmes berbères étalent à même le sol leur modeste récolte, quelques brassées d’herbes aromatiques, des légumes, des fruits secs.
Pour vous dégourdir les jambes, il y a mieux que la petite excursion vers la cascade Ras-el-Ma où trempent les pastèques qu’on découpe machinalement aux touristes.
Vous pouvez dépasser la médina, sortir des murs d’enceinte et monter jusqu’à la maison du parc de Tallasemtane, à une quinzaine de minutes de marche en direction du nord, sur l’esplanade Sidi Abdel-Hmid, d’où vous aurez une belle vue sur la ville.
Si vous êtes chanceux·se, les employés de l’écomusée des Eaux et Forêts vous donneront quelques cartes pour vous balader. De nombreuses randonnées quadrillent les alentours, à faire à la journée ou en itinérance. Ce serait dommage de râter l’opportunité de visiter l’arrière-pays avant la fin de votre séjour.
Si vous allez à Chefchaouen au printemps, la meilleure période, vous profiterez d’une profusion de coquelicots, fleurs des champs et autres camaïeux de vert. La région est célèbre pour ses rivières à l’eau bleue turquoise qui jouent à cache-cache avec les montagnes, sur des sites qui ont fait la renommée des lieux comme le Pont de Dieu ou les cascades d’Akchour.
Mais il y a un meilleur moyen pour découvrir la région du Rif. Pour tirer vraiment partie de ses beautés naturelles, il vous faudra un guide. Un Pagnol couleur locale, qui connaît le pays comme sa poche, vous parle de sa montagne avec passion et vous emmène au-delà des collines dans des coins vierges de tous touristes. Des cascades secrètes. Des forêts de cèdres fraîches. Mais ça, c’est une autre histoire…
Infos pratiques : visiter Chefchaouen
Se rendre à Chefchaouen :
- En bus depuis Fès : compter environ 4 heures de bus (ils sont confortables et les stops sont prévus) avec un choix de plusieurs compagnies dont CTM (plus occidentalisée donc plus cher, mais qui a l’avantage d’avoir un site Internet pour acheter son billet ou même vérifier les horaires). L’aller-retour coûte environ 200 Dirhams (18 euros). Les bus se prennent essentiellement à la gare routière Bab Boujloud de Fès.
- En bus depuis Tanger : il n’y a pas (à ma connaissance) de bus direct Tanger – Chefchaouen, il faut passer par Tétouan. Il y a régulièrement des bus Tanger – Tétouan depuis la gare routière de Tanger, le trajet dure environ 1 heure et coûte entre 30 et 40 Dh (2,7 à 3€).
- En bus depuis Tétouan : les bus CTM vous emmènent à Chefchaouen en une heure (compter 30 Dirhams l’aller, 60 Dh soit 5 euros aller-retour).
- En Taxi (depuis Fès ou Tanger) : les taxis individuels depuis Fès sont déconseillés, ils proposent souvent des prix rédhibitoires et il y a de nombreux changement (c’est une longue distance et tous ne sont pas habilités à la faire). Cela semble plus facile depuis Tanger.
- En Taxi collectif : les marocains se déplacent généralement en taxis collectifs (minibus de 6 personnes, confort très correct). Les tarifs sont beaucoup plus avantageux mais les horaires de départ plus aléatoires. Demander à n’importe quel taxi de vous emmener à la gare des taxis collectifs (à Fès, Tétouan ou Tanger). Trouvez un conducteur qui a des places libres dans son véhicule et attendez qu’il se remplisse pour le départ. L’avantage est le prix (à peine quelques euros), mais soyez vigilants si vous avez un avion à prendre sur la même journée.
Dormir à Chefchaouen :
Je choisis généralement des petits riads (hôtels typiques) au cœur de la médina, pour des prix raisonnables, de modestes à milieu de gamme (le fait est aussi que je ne réserve jamais à l’avance, donc je prends sur place ce qui est encore disponible).
Bon à savoir : Booking est roi à Chefchaouen cela dit, passer en direct vous permettra de négocier le prix à la baisse.
Voici quelques idées, mais vous trouverez des riads luxueux avec piscine en dehors de la médina pour des tarifs supérieurs :
- Hôtel Koutoubia : situé à l’Est de la médina, les chambres sont sympas et certaines donnent sur la mosquée Bouzoufar. La petite table pour 2 sur la terrasse est top. Le personnel est ultra aidant (il garde vos sacs, vos passeports en cas d’excursions/randos/visites, même en quittant l’hôtel sur 2-3 jours). Prix mini de 22 euros la nuit pour une chambre double avec petit déjeuner.
- Dar Es Saouyry : idéalement situé plein centre rue Hassan 1, chambre bien décorée mais peu lumineuse, personnel discret mais efficace, petite terrasse et petit déjeuner sympa. Prix moyen par nuit pour une chambre double : 40 euros.
- Dar Yakout : hôtel familial dans la partie Est de la médina, super joli, belle entrée, belle terrasse panoramique, déco de goût, petit déjeuner inclus. Prix : entre 44 et 55 euros la chambre double ou triple.
Pour continuer le voyage, je vous conseille de lire sur Une Vie en Vrai :
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